Violence break the silencechapitre one Carmen, elle porte mal son prénom. Elle porte bien son prénom aussi. Elle est pas bonne, faut juste chercher sa beauté, comme un diamant. Faut creuser pour voir la putain en elle. Infaillible. Elle le semble, et tout son être l’exprime. Carmen ne craint rien ni personne, de par son regard cerné de noir, de par son allure impeccable. Et implacable. Elle possède une neutralité particulière dans l’intonation de sa voix, un désintéressement anodin dans les traits de son visage. Elle parait d’une banalité désobligeante, d’une personnalité dénudée d’intérêt et sans grand divertissement. Pas même l’étoffe d’une comtesse.
Une quelconque, un tout, un rien. Puis l’esquisse d’un sourire sur ses lèvres, et l’ampleur du personnage se dessine. L’impensable illumine ses prunelles, alors que vient la balloter le besoin incessant de la disparition. La destruction. Arracher la moindre parcelle d’existence de cet être qui a croisé son chemin. De la moindre pensée à la chaire, de l’esprit au corps, elle se doit de tout dissoudre. Elle en crève, de tout détruire. Tout lui parait si futile, inutile. Des points noirs, des crevasses, de l’immondice. Tout est abject, à ses yeux. Du vice à la niaiserie, du sadisme à la douceur. Elle ne se lasse pas d’écraser de son talon la pourriture, de lacérer de ses ongles l’imperfection. Carmen est le baume empoisonné des maux de chacun, des bons comme des mauvais, des inutiles comme des dominants.
De ses mots doux murmurés au creux du cou, elle vient déraciner les plus ardues convictions. De l’utilité qu’elle sait donner de sa propre personne, elle vient dépouiller tout être de sa personnalité. De ce besoin viscéral à la destruction, elle vient tout emporter. On ne se méfie pas de cette jeune femme aux jambes si longues, on ne se doute pas de ce qu’elle détient entre ses fines mains. Elle est l’anéantissement du matériel et du vivant, elle est l’esclave de la rage de la destruction qui l’assaille perpétuellement. Au fond, elle n’est que le pantin de son propre mal. Elle qui parait si sûre d’elle, incapable d’accepter la moindre défaite. Elle veut – a besoin – de sentir les os devenir poussière et le sang s’écouler entre ses doigts, d’exterminer les onces d’humanité et de mauvaiseté, d’observer les espoirs devenir pertes et les folies se dissoudre au néant. Il est si bon, si complaisant, d’être la cause du saccage. Elle est corrosion et dévastation, car des cendres naîtra toujours un quelque chose de mieux.
chapitre two Carmen;
Carmen Carmen.
Carmen, elle a des rêves pleins le front.
C'est pourquoi elle a parlé.
▬ Je veux un enfant.Son nez pointait vers l'horizon. Elle avait vingt ans.
Elle savait qu'elle aurait été la meilleure de toutes les mamans.
Elle n'aurait jamais eu peur d'avoir un être dans son ventre. Elle n'aurait jamais eu peur d'avoir mal quelque part, d'être malade, d'être mal, de râler, de rager. Elle n'aurait jamais eu peur d'être malheureuse, non, jamais elle n'aurait eut un doute. Même pas un seul. Elle le crachait.
Elle lui aurait donné tout son amour. Elle l'aurait porté, elle l'aurait soulevé. Elle l'aurait fait grandir, elle l'aurait nourrit d'affection.
Elle s'imaginait déjà lui embrasser le front.
Elle s'imaginait déjà lui prêtant son rire.
Elle n'aurait même pas eut peur de le voir partir, un jour. Elle ne craindrait pas qu'il devienne plus grand, grand comme elle, et qu'il s'en aille loin, tout loin. Elle aurait été heureuse, infiniment heureuse, d'avoir pu lui insuffler de la vie. Permettre la vie. On ne se rend pas compte, mais ça fait quelque chose dans les entrailles. Elle n'exigeait rien, sinon tout donner d'elle.
Elle s'imaginait déjà le voir vivre. Ça lui aurait juste suffit qu'il l'appelle
▬ Maman.▬ Maman. Mais Carmen appris un jour qu'elle ne pourrait jamais avoir d'enfant.
Pourtant, elle voulait juste quelqu'un à aimer.
Elle voulait juste, un jour, qu'il l'appelle maman .
Au téléphone. Le fiancé.
▬ Je peux pas. Tu peux pas quoi.
▬ Je pourrais jamais. Tu pourras jamais quoi.
▬ Tu sais. J'ai rien à dire. Une grimace, très forte.
▬ Ça fout les boules. Carmen, on lui a toujours appris à ne pas pleurer. Pour sa mère, son père, les enfants qui se moquaient de son visage particulier. Mais les choses changent, maintenant. Elle a pleuré. Elle en a vomit des larmes, presque. Elle a vomit. Elle a pleuré, elle a crié. Elle a toussé elle s'est étouffée avec sa salive gluante de femme qui pleure. Elle a suffoqué, elle a craché. Elle a pleuré plus fort, encore.
Elle a perforé les âmes avec sa plainte. Elle a crevé les murs.
Elle pleure.
Carmen a le front terne et une crevasse dans le poitrail.
Carmen a le ventre vide. Carmen aura toujours le ventre vide.